Une vie de contradiction
Une des choses que je recherche dans les films des autres et que j’essaie d’atteindre dans les miens, c’est d’être surprise. De faire en sorte que d’une séquence à l’autre, on ne sache pas ce qui va bien pouvoir se passer. ANNE étant porteuse de contradictions et autres paradoxes, et sujettes à des réactions inattendues, l’effet de surprise sera certainement au rendez-vous.
Anne ne marche pas, elle danse, elle saute, court, s’agenouille, se couche à plat ventre, grimpe sur une table, tourne autour de son sujet, l’interpelle, lui parle, l’étourdit, lui fait du charme avec la plus grande aisance et le bagout le plus naturel. Au début, je suis restée stupéfaite de sa transformation de femme marquée, introvertie, complexe, limite sauvage en une gavroche enjouée, en chapeau bottes de cow-girl, drôle, culottée, extravertie. Comme si, sous mes yeux, elle passait de la tragédie à la comédie. Mais elle a expliqué :
« L’appareil-photo me permet d’être seule au milieu d’une foule. Je reste en contrôle et rarement plus de 5 minutes avec chacun. C’est un moyen sans danger d’être dans l’intimité. C’est seulement par la photographie que je peux accéder au plus vulnérable de moi-même. La photographie, pour moi, c’est un véhicule… je n’en ai pas d’autre… ni langage, ni musique ... Rien… mais elle m’a sauvé la vie. »
Michka Saäl, 2016